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Il y a quelques années j’ai dû annuler mon voyage au Ladakh pour des raisons familiales juste après mon arrivée à Leh. Depuis lors j’ai gardé en tête l’idée de revenir au “pays des hauts cols” et d’en apprendre plus sur les gens qui habitent en ces montagnes arides. Le Ladakh est assez vaste, j’ai donc dû décider de l’endroit où j’allais consacrer mon mois de trek. Après en avoir discuté avec des amis zanskari — donc avec une opinion probablement peu objective sur le sujet — c’est vers le Zanskar que je pointe mon doigt.

L’aventure commence dans la ville musulmane de Kargil où je rencontre Tashi, un jeune étudiant du Zanskar sans expérience préalable, prêt à jouer le rôle de guide et d’interprète pour ce voyage afin de financer ses études. Cette année, j’ai voulu travailler avec un guide/interprète pour chaque randonnée. L’expérience est tellement plus enrichissante lorsque l’on peut communiquer avec les gens que l’on rencontre et en apprendre davantage sur leur culture et les événements qui se déroulent dans la région.

Le Zanskar a beaucoup changé depuis son ouverture au tourisme en 1974, mais il est en quelque sorte resté fidèle à lui-même — “same same but different” comme on dit dans le coin. Des écoles et des routes ont été construites mais les Zanskaris sont encore coincés dans leur vallée durant tout l’hiver à cause de la neige — les seules façons d’en sortir sont soit par hélicoptère, soit en marchant sur un fleuve gelé pendant des jours, le Chadar — ce qui peut être l’une des raisons pour lesquelles les traditions sont encore si vivantes ici.

Grâce à Tashi, j’ai un aperçu assez approfondi de la culture zanskari. Je ne sais pas si j’ai de la chance ou si ma persévérance porte ses fruits, mais je suis gâté du début à la fin. D’un lieu à l’autre nous marchons et dans chaque village un nouvel événement de la vie quotidienne de ces villages himalayens se passe : le massacre de moutons par un loup pendant la nuit; les traces d’un ours qui est monté au premier étage d’une maison pour trouver de la nourriture; la rencontre avec des descendants de la famille royale; un médecin tibétain traditionnel en train de traiter un patient; l’exorcisme d’une maison hantée… le plus mémorable d’entre eux étant un mariage zanskari, une célébration folle de deux jours avec beaucoup d’alcool et de nourriture mais seulement quelques heures de sommeil éparpillées.

Malgré l’extrême fatigue après plus de trois mois de trek dans l’Himalaya, je poursuis cette aventure enrichissante mais mon corps hurle de douleur : “laisse-moi tranquille maintenant ! J’ai trop travaillé, je dois maintenant me reposer.” Je n’ai pas d’autre choix que de signer un accord avec lui : “tu me portes jusqu’à la fin du trek et en échange je paie un porteur pour les sections difficiles.” Je suis ravi que l’on ait réussi à s’entendre car même avec un petit sac à dos les derniers jours de cette aventure ont été pénibles.

Marcher dans ce paysage désertique, la plupart du temps au-dessus de 4000 m d’altitude, brûlé par le soleil à longueur de journée et traverser des ponts suspendus douteux au-dessus de rivières bouillonnantes… Tout cela peut parfois donner l’impression d’errer sans but dans le royaume d’Hades. Heureusement que les paysages grandioses sont là pour donner matière à rêver au photographe qui est en moi. Ils me font oublier la douleur endurée jusqu’à ce que, après la traversée d’un pont de neige douteux, nous atteignions enfin la route qui nous ramènera à Leh. C’est probablement la première fois de ma vie que je suis heureux de voir sur la montagne une de ces cicatrices d’origine humaine avec une Jeep dessus !

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