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Le Japon est un pays polarisant, le genre d’endroit que l’on adore ou que l’on déteste… ou bien que l’on adore et déteste en même temps. Au pays du soleil levant, à l’image du yin et du yang, les contraires se complètent plutôt que se confrontent et les concepts que la culture occidentale considère comme conflictuels peuvent cohabiter en harmonie.

A quel point j’ai été stupide cependant de penser que voyager au Japon serait une expérience relaxante. Après presque quatre mois d’aventures dans l’Himalaya, le Japon et son sens légendaire de l’organisation semblait séduisant… mais c’était sans tenir compte du fait que l’été est l’une des saisons les plus touristiques — notamment pour les touristes japonais.

Nous sommes immédiatement confrontés à la réalité. Notre façon habituelle de voyager, opportuniste et basée principalement sur des décisions au jour le jour, doit être ajustée. Nous devrons maintenant réserver les chambres plusieurs jours à l’avance, même si cela signifie sacrifier le temps supplémentaire que nous aurions aimer passer dans des lieux découverts par hasard. Un autre problème se pose : s’assurer d’arriver aux auberges le jour indiqué, une tâche facile autour des grandes villes mais qui devient de plus en plus délicate lorsque l’on s’enfonce dans l’arrière-pays.

Engloutis par le mode de vie moderne des Japonais, train après train, bus après bus, nous développons une frénésie du voyage, consommons destination après destination pour tenter d’en profiter au maximum. Mais le Japon a trop de choses à offrir et même si nous restons ici un peu moins de deux mois, nous ne pourrons jamais tout voir. Il est temps d’arrêter cette folie et de ralentir.

A mesure que le rythme devient plus supportable, nous prenons enfin le temps d’observer et de nous immerger dans la culture. Le Japon est clairement le pays des opposés. Intensément urbanisé, notamment aux alentours de sa capitale, Tokyo, c’est aussi une terre de forêts luxuriantes et de vastes étendues sauvages; malgré toutes les avancées technologiques et les extravagances qui font l’image du pays, les traditions séculaires sont toujours vivantes avec de nombreux festivals, temples et sanctuaires; et bien qu’étant le lieu où le Bouddhisme zen a grandi et s’est affiné, le niveau de stress des employés de bureau japonais atteint des sommets.

Il n’est donc pas surprenant de trouver quelques uns des plus beaux sanctuaires entourés de forêts centenaires au milieu d’une grande ville ou d’une gare ferroviaire très fréquentée. Cependant, bien plus que de simples monuments culturels ces complexes sacrés sont des lieux animés où les habitants et les touristes japonais viennent prier et contempler. Ce qui rime malheureusement souvent avec foule, ruinant l’expérience du touriste-photographe-égoïste-avide-de-solitude que je suis. Le moine et poète bouddhiste japonais Urabe Kenkō le mentionnait déjà il y a sept siècles “Temples shintō, temples bouddhistes : comme il est charmant de les visiter quand il n’ y a personne ! Quel charme supérieur que de le faire à la nuit tombée”.

Je m’en tiendrai donc aux conseils du moine et découvrirai un tout autre visage du Japon que peu de gens, malheureusement, voient car les sanctuaires sont habituellement désertés à 5 heures pétantes. Fini le stress, oubliés les soucis. Seul dans les forêts peuplées d’ours, de renards et d’esprits enchanteurs, les racines enchevêtrées des arbres couverts de mousse, les statues érodées des dieux bouddhistes et les Kami shintō s’animent alors que les ténèbres s’emparent de la lumière. Un mélange de peur et d’émerveillement surgit en moi. J’ai enfin trouvé la magie que je cherchais sur cette île.

Malgré le stress quasi-quotidien de ce voyage, il y a toujours eu ce petit quelque chose qui a sauvé notre journée. Quand il ne s’agissait pas d’un onsen relaxant, de mets succulents, ou des bonnes vibrations d’un lieu naturel comme une forêt ou un lac, ce quelque chose était toujours lié aux Japonais. Car s’il y a bien quelque chose à ne pas rater au Japon, c’est de passer du temps avec les Japonais. Leur sens du respect et leur gentillesse sont inégalés. Je ne puis compter le nombre de fois que le petit Français grincheux que je suis me suis senti grossier, même face au pire des Japonais. Et même si leurs manières peuvent parfois sembler un peu excessives, on s’y habitue rapidement et tout aussi rapidement elles vous manquent.

Pour faire court, un voyage au Japon n’est pas un voyage comme les autres. C’est une expérience intégrale. On peut l’adorer, on peut aussi la détester… ou bien les deux. Mais en tout cas c’est une expérience qui ne peut laisser indifférent.

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