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Au delà de l’aspect spirituel qu’arborent les villes népalaises avec leurs nombreux temples et lieux de culte, je suis de plus en plus tenté par la vision transcendante pour laquelle certains hommes ont dédié leur vie, allant même jusqu’à la sacrifier. Les porteuses de cette vision reconnues par leur imposante stature et leur sale caractère se dénomment Himalayas.

La rando démarre du village de Saphru Bensi aux aurores. Les premiers pas sont les plus difficiles. Cela fait un bon moment que je n’ai pas bougé mes vieux os et les quinze kilos sur mon dos ne font rien pour arranger les choses. Je suis à deux doigts de perdre tout espoir de réussir alors que cela ne fait qu’à peine une heure que je marche à travers la jungle. Le chemin composé de montées ardues suivies par de longues descentes joue les sadiques. Malgré les efforts j’ai l’impression de stagner et de rester à la même altitude. Heureusement la marche se diversifie avec son lot de surprises: porteurs chargés comme des bourriques, mules accompagnées de leur muletier et touristes pimpants rentrant de leur randonnée le sourire aux lèvres alors que, derrière eux, un porteur essoufflé se trimballe leurs gros sacs (ce qui à tendance à m’énerver). « S’ils ont réussi, même sans leurs sacs, il n’y a pas moyen que j’échoue! » me dis-je, me réfugiant alors dans un monde imaginaire où la température est fraîche et où la nourriture se compose de pommes de terre et de fromage fondu.

Je traverse des paysages variés, passant de la jungle à la pinède provençale bercée par le chant des cigales, et de la pinède à la forêt de montagne dont les conifères sont recouverts de mousse. Après neuf heures de marche, je décide finalement de me reposer dans un des nombreux lodges permettant aux randonneurs et aux porteurs de passer la nuit après un bon repas chaud.

Au petit matin, le corps et l’esprit reposé, je suis émerveillé par la vision de l’imposant Lantang Lirung sujet à un vent violent propulsant des quantités considérables de neige dans les airs. Le spectacle est à couper le souffle et me donne le moral nécessaire afin de continuer ma route. Petit à petit je gagne en altitude et atteins le seuil des 3000m. A partir de maintenant, il est hors de question de grimper plus de 300m par jour, le mal des montagnes risquant de sévir et de compromettre la suite du voyage.

C’est donc après quelques heures de marche que j’atteins le coquet village de Langtang, composé de maisons de pierres et peuplé de Tibétains ayant migré « naturellement » au Népal il y a quelques siècles de cela. Et en effet, on a vraiment l’impression de se retrouver au Tibet, les yaks ainsi que les tenues traditionnelles des femmes nous transportant de l’autre côté de la frontière. Je me trouve en pleine vallée, soufflé par le vent constant qui sévit en ces terres chaque après-midi. Les montagnes pointent le bout de leur nez et me provoquent. Malheureusement, il ne serait pas prudent de continuer aujourd’hui. C’est donc après une fraîche nuitée que je continue ma route. Peu à peu les sommets enneigés se dévoilent et je gagne en confiance. Maintenant j’en suis convaincu, si le mal des montagnes ne s’y mêle pas, j’y arriverais.

Au bout de quelques heures j’atteins donc l’étape finale, le dernier endroit où l’on puisse se nourrir et se loger, le village (lui aussi Tibétain) de Kyanjin Gumba. Malheureusement, le temps à cette altitude est indomptable et limite grandement les possibilités photographiques. Ici, il faut être matinal, le ciel se couvrant et le vent se levant chaque jour avant midi. C’est donc de nuit que j’attaque la montée qui me mènera aux 4700m, rapidement accompagné de l’indescriptible spectacle du lever de soleil sur le Langtang Lirung. Une image qui restera gravée dans ma mémoire.

La pente est raide, l’air est sec et chaque pas se fait sentir. Mon coeur bat la chamade mais je me sens bien, n’ayant qu’un but en tête : atteindre ce sommet, là haut, qui me paraît si loin …  Les derniers pas sont les plus aisés, l’esprit étant déjà arrivé, le corps suit naturellement. La vue sur les montagnes enneigées bordées par un glacier est somptueuse et est une récompense digne de l’effort procuré jusque là. Le soleil tape déjà fort et le vent est quasi inexistant, je m’assis donc et contemple les avalanches fréquentes qui secouent les sommets et dont le son grave et sourd donne des frissons. 

Le vent commençant peu à peu à faire son apparition, il est temps de redescendre au village et de savourer un bon plat bien chaud cuisiné au traditionnel four à bois. C’est dingue comme la cuisine est meilleure à la montagne! 😋

Alors que le moment de prendre le chemin du retour approche, je décide de passer un dernier moment au sein de ce charmant village. J’y fais la chanceuse rencontre de deux petites Tibétaines, cheveux poisseux et pommettes rougies par les rudes conditions climatiques. Je passe un excellent moment à les photographier et jouer avec elles. « Ramrooooo ! Ramrooooo ! Ramrooooo ! » (« Joliiiii ! Joliiiii ! Joliiiii ! ») crient elles après que je leur ai montré chaque photo. C’est là la dernière récompense offerte par ce village qui m’a déjà tant donné en si peu de temps.

Je parcours le chemin dans le sens inverse en moitié moins de temps qu’il n’a fallu pour le monter. Sur le chemin, je croise à nouveaux ces nombreux porteurs qui me fascinent tant. Mais comment font ils pour porter ces charges encombrantes pesant leur poids (voire parfois plus !) le long de ces chemins sinueux, qui plus est en altitude ? Ils méritent bel et bien leur réputation !

Peu à peu, les roches et les montagnes se transforment en forêt, puis en jungle dont les champs de cannabis sauvage à perte de vue en feraient rêver plus d’un. Avant l’arrivée, je fais l’expérience d’une drôle de mésaventure. Croisant le chemin d’un groupe de Tibétaines, comme on en croise de nombreux se déplaçant de village en village, je m’arrête sur le côté afin de les laisser passer. L’une d’elle, la quarantaine avancée, s’avance vers moi, pose sa main entre mes jambes et me demande : « Heavy? Heavy? ». Sur le coup, je ne sais quoi répondre, c’est bien la dernière chose à laquelle je m’attendais! Puis cette dernière continue sa route en rigolant, de même que ses amies… Je n’ai d’autre choix que de rire moi aussi de mon côté et cela égaie les derniers kilomètres que je parcours, nostalgique, le long de la piste qui me mène au point de départ du trek de Langtang, Saphru Bensi.

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