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Ce billet étant un condensé de plusieurs anciens billets, il est un peu plus long que d’habitude 😊

Bienvenue aux Lofoten

Dormir à l’aéroport d’Oslo s’est avéré être tout sauf un plaisir. J’ai dû passer en tout et pour tout une heure au royaume de Morphée, assis entre deux ronfleurs, tentant vainement de m’endormir en écoutant de la musique alors que ma tête tombait d’un côté ou de l’autre. Quoi qu’il en soit j’ai pu prendre mon vol pour Bodø d’où j’ai rejoint le ferry – quasi vide – en direction de Moskenes, aux Lofoten.

Aussi fou que cela puisse paraître, j’ai rarement vu un ciel pareil en cette partie de la Norvège. Bleu. Je veux dire vraiment bleu. Pas un seul nuage à l’horizon. On se croirait en été! C’est un temps parfait pour une arrivée tout en douceur alors que je m’assoupis, rêvant de ces îles devenant de plus en plus imposantes à chaque fois que j’ouvre l’oeil… avant de m’assoupir, à nouveau.

Alors que le bateau arrive au petit port de Moskenes, je ressens cette étrange sensation, ce sentiment qui m’envahit au début de chacune de mes aventures. Un mélange de curiosité, de bonheur et un de ces rares moments durant lesquels je me sens totalement libéré de toute oppression, profitant simplement de l’instant présent.

On se Croirait en Été

Ma première destination sera la plage de Bunes. Après un autre sympathique trajet en ferry vers Vindstad, petit village typique au milieu de nulle part, une courte marche mène à ce lieu incroyable. Coincée entre deux imposantes – le mot est faible – falaises, la plage s’étire sur plus de 500 mètres avant d’atteindre finalement la mer. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment une telle formation géologique est possible, mais ce n’est certainement pas le sujet de mon bivouac. Il y a là tant de choses à photographier, je me dois de rapidement planter la tente, profiter un instant de la solitude du lieu, avant de me mettre enfin au travail.

Lors de la première nuit je n’ai pas vraiment été conscient de la chance qu’il m’était donnée d’avoir un tel temps – généralement frustrant pour les photographes, de par son absence de nuages – mais l’erreur a vite été réparée lors de la seconde nuit. Au début, les étoiles se sont montrées petit à petit, timidement, m’offrant au final le ciel le plus clair que j’aie jamais vu. Mais la soirée de bienvenue ne s’est pas arrêtée là. Quelques minutes plus tard, on dirait que de faibles lueurs prennent forme au dessus de la mer. S’agirait-il d’aurores boréales ?

Bluffé par ces deux derniers jours, je quitte le paradis de Bunes pour un autre. Il est temps pour un dernier “café instantané maison” sur la plage de Vindstad avant de prendre à nouveau le ferry vers Reine. Suivant les conseils d’un résident (Sandro, si tu me lis…), je passerai cette nuit sur la colline surplombant la “ville”. Une fois encore, je serai émerveillé par tant de beauté. Imaginez planter votre tente sur une colline dominant non seulement cette ville, la mer, mais aussi un magnifique fjord. C’est une sensation étrange mais pour laquelle j’ai un petit faible. Et, alors que les lumières du matin viennent illuminer mon petit paradis, les bouleaux d’automne se mettent à briller de mille et une couleurs.

Le Tout-Puissant Climat

Ce ne pouvait bien sûr être aussi simple. Du beau temps, des ciels nocturnes limpides et des aurores pour mes premiers jours aux Lofoten, … “Allez! Tu croyais vraiment que ça allait durer comme ça longtemps ? On se réveille coco, tu es au dessus du cercle arctique là, et qui plus est au mois d’octobre”. Ainsi le Tout-Puissant Climat en avait décidé autrement. Fini les bons moments, il était désormais en colère et il était temps pour moi de subir une leçon d’humilité, leçon que j’aurai amplement le temps d’assimiler lors de cette semaine sous la tente, ce semblant de protection contre les éléments…

Tout commença lorsque je sortais du bus. Le Tout-Puisant Climat avait décidé que je commencerai mon initiation sous une bonne vieille tempête. Alors que je marchais en direction des plages que je voulais visiter, je passais le long d’une rangée de montagnes: ‘Les Souffleuses’. À chaque fois que je m’en approchais, de fortes bourrasques venaient me bousculer, parfois tellement fortes que j’en tenais à peine debout – ce qui est plutôt intimidant lorsque tu traverses un pont.

Le ciel était gris, d’un gris foncé. ‘Les Souffleuses’ soufflaient fort et un millier de gouttes de pluie me tombaient dessus, tentant vainement de mouiller mes vêtements. Mais c’était sans compter ma détermination et le fait que j’étais protégé. Je ne les craignais point, je ne craignais d’ailleurs point non plus les bourrasques. Ma peur la plus profonde à ce moment était celle de ne pouvoir réaliser de bonnes images cette semaine. C’était probablement parceque je me sentais encore frais et prêt à vaincre les éléments, tel un jeune ignorant. “Vaincre les éléments… Ha! Ha! Ha! Alors que penses tu d’une semaine complète de vents forts et de pluie, hein ?”. Et les vents forts et la pluie furent.

J’allais alors sur la splendide plage de Kvalvika pour quelques jours, comme si de rien n’était. Cet endroit est célèbre aux Lofoten depuis que des surfers sont venus s’y installer, ont construit une cabane et y ont surfé tout un hiver, il y a quelques années de cela. La plage était un joyau caché avec nombre de randonnées à faire tout autour. Cependant, Sa Majesté le Tout-Puissant Climat était borné et s’en est tenu à Son idée.

La tente était secouée nuit et jour, les rafales de vent venant de toutes les directions. Nord, sud, ouest, … Quel que soit le lieu où je la plantais, il ne pouvait y avoir d’échappatoire. C’est alors que j’ai découvert que je m’étais installé sur un cours d’eau en train de se former à cause de la pluie. Je devais alors déménager, à nouveau… “D’accord, je l’admets, ô Tout-Puissant Climat, tu es le plus fort. Je m’excuse pour ma pathétique rebellion et à partir de maintenant me soumettrai à tes règles”. Mais il était trop tard pour de telles excuses.

J’ai donc dû faire preuve de patience, sauter en dehors de ma tente infatigablement secouée dès lors qu’il détournait Son attention. Ce qui me donnait quelques opportunités pour d’intéressant clichés, jouant principalement avec les textures lunaires du sable et les reflections des montagnes environnantes sur la plage humide. Mais la lumière était toujours manquante… Il a gagné cette bataille, mais pas la guerre…

Nulle Part où se Cacher

7 octobre 2013: Jour 13

  • La montée pour rejoindre la plage, ainsi que la descente d’ailleurs, est épouvantable. Je patauge dans la boue et glisse sur les roches humides. Au loin, j’aperçois l’immense plage après une importante zone marécageuse, le tout cerné par 2 rangées de montagnes. Quelques rayons de soleil percent et viennent illuminer celle à ma droite. J’ai hâte d’arriver. Sauf que les distances ont l’air de s’étirer, je n’en vois pas le bout. Est-ce à cause des marécages dans lesquels je patauge, m’enfonçant parfois jusqu’aux chevilles?
  • Arrivé sur la plage, enfin! Enfin la plage, … disons les dunes. Le spectacle est assez déroutant car on peut voir de l’eau un peu partout autour, comme une inondation. Un peu plus loin, ce sont carrément des cours d’eau qui serpentent autour. Je dois avouer que ce coin me fait un peu flipper, faisant remonter ma peur des sables mouvants. Je fais attention à chacun de mes pas, tentant de marcher là où il y a de la végétation. […] Tout à coup, malgré mes précautions, mon pied s’enfonce jusqu’à la cheville dans du sable humide. Sable mouvant ou pas? Je n’en sais rien et ne veux pas le savoir et m’en écarte au plus vite.
  • Le vent souffle avec une force incroyable depuis quelques heures. La tente tient le choc, je me demande comment. […] Je dois soutenir les parois pour ne pas qu’elles s’écrasent sur moi. Ça secoue dans tous les sens dans un vacarme infernal. Une à une, les sardines se décrochent, la tente s’affaissant un peu plus à chaque fois. Puis rien. Le calme absolu. Faux espoir, ça repart de plus belles! Entre deux bourrasques, je sors replanter les sardines, mais à la bourrasque d’après il faut tout recommencer. Au bout d’un moment je me décide à plier bagage. […] Le vent souffle parfois tellement fort que je tiens tout juste debout. Je me perds parmi les dizaines de dunes qui m’entourent mais ce n’est pas grave, je garde le cap.
  • Il est environ 2h30, je viens de me prendre une violente bourrasque que j’ai entendue arriver. La tente a l’air de tenir le coup ici. Je vais enfin me coucher en espérant ne pas me réveiller avant le soleil.

9 octobre 2013: Jour 15

  • Au réveil, tout est humide, voire même trempé. J’en suis au point de me demander si je ne me suis pas pissé dessus. Mais non, tout va bien de ce côté là. Par contre, je constate à l’intérieur de la tente de nombreuses gouttelettes qui tombent petit à petit. De la pluie? Non, la toile est toujours étanche. Ce sont là des gouttelettes de condensation.
  • […] Le vent se lève et je me décide donc de quitter les lieux. Je ne veux surtout pas être confronté à la même situation qu’avant-hier avec en plus des vêtements et un duvet trempés.
  • Je traverse à nouveau les marécages, m’embourbe et glisse à plusieurs reprises sur les roches humides et la boue instable. Je suis aussi bien mouillé à l’extérieur (pluie) qu’à l’intérieur (transpiration). […] Alors que j’approche du haut du col, le vent se met à souffler de plus belles et je suis parfois obligé de me tenir aux rochers.

Ces quelques passages de mon journal reflètent parfaitement mon expérience des Lofoten cette dernière semaine et demie, à cela près que le vent et la pluie sont devenus récurrents (sauf pour une journée bénie) et aujourd’hui la grêle est venue se mêler à la fête. Je suis physiquement en forme mais le moral en a pris un coup et, si ce n’était pour la météo de ces deux prochains jours (des éclaircies), j’aurais définitivement plié bagage. Allez! Des belles lumières (ou des lumières tout court en fait…) et des aurores les deux prochains jours et on est quittes, d’accord le temps?

Les Lofoten Déchaînées

Je me réveille doucement. La nuit a été froide et j’attends patiemment que cette série de bourrasques finisse pour sortir de ma tente et plier bagage aussi vite que possible – la prochaine série n’est jamais bien loin. Alors que j’ouvre la fermeture de mon abri tel un enfant son cadeau de Noël, espérant un hypothétique miracle, une surprise se dévoile à mes yeux. Le sol et les montagnes ont changé de manteau. Le morose brun et vert des jours précédents a été remplacé par un blanc immaculé et le ciel arbore a présent un mélange de couleurs et de textures en constante évolution. On dirait bien que la chance me sourit enfin !

Le sort a commencé à tourner en ma faveur hier matin, à Å. Le ciel est devenu bleu après deux semaines d’un gris informe et déprimant. Pas tellement intéressant photographiquement parlant mais un vrai plaisir pour le moral. Pour une fois je quitte mon ‘camp de base’ en espérant que des couleurs intéressantes pointent le bout de leur nez d’ici la fin de journée. Mais cela n’arrivera pas. Je devrais encore attendre une nuit avant que tel miracle ne se produise.

Ensuite vous connaissez l’histoire: froid, tempête, neige… C’est plutôt inhabituel que tant de neige tombe ici au mois d’Octobre mais quel plaisir de retrouver enfin les capricieuses Lofoten dans leur manteau d’hiver. Tempête de neige, neige légère, soleil éclatant puis tempête de neige à nouveau. Je suis conscient de la chance que j’ai car c’est ainsi que je les aime le plus et c’est ce qu’elles sont devenues. En l’espace d’une heure seulement elles vont passer d’un état à l’autre à plusieurs reprises, ce qui signifie pour moi de parfaites conditions photographiques, même s’il devient parfois difficile de marcher droit et de capturer des images nettes.

Les flocons gelés me fouettent dans un bruit de friture alors que je pousse mon corps envers et contre le vent. C’est comme si je portais deux fois mon poids mais je n’y pense pas vraiment. Dans ce genre de situation mon esprit reste concentré sur un but unique: faire ce prochain pas en direction des somptueuses lumières et textures prenant forme à quelques centaines de mètres. C’est une sensation grisante, le genre de moment où tu te sens vivant, pleinement; c’est tout à fait le genre de sensation qui me manquait.

Et puis, plus rien. Quelqu’un a dû appuyer sur le bouton ‘Pause’. La neige s’est arrêtée de tomber et le vent s’est calmé. C’est comme si rien ne s’était passé, seules persistent lumières et textures. Il est désormais temps de déployer le trépied, d’installer appareil photo et filtres, de composer et de saisir l’instant. Je sais pertinemment que je n’ai pas beaucoup de temps apercevant déjà la prochaine tempête se profiler. Elle devrait arriver d’une minute à l’autre. Après une première bourrasque en guise d’avertissement, la voici. Le vent et les flocons gelés sont de retour et je dois vite plier bagage, comme je l’ai si souvent fait, avant de continuer sur ce chemin sans fin jusqu’à la nuit, véritable pacificatrice. Les Lofoten déchaînées sont désormais apaisées. Elles laissent place à une atmosphère totalement différente qui, je l’espère, durera jusqu’à demain matin afin de m’offrir un lever de soleil irréel…

Au Revoir les Lofoten

J’aime quand un livre finit avec une fin grandiose et raffole des albums se terminant sur une chanson épique interminable aux mélodies entêtantes; de même, je suis ravi lorsque l’un de mes voyages se conclue après de mémorables moments – si ce ne sont les meilleurs. C’est ainsi que j’ai décidé de mettre un terme à cette aventure aux Lofoten un peu plus tôt que prévu, après les derniers jours de tempête.

La neige fond petit à petit et, après un dernier jour prévu comme ensoleillé, la température montera au delà de 6°C avec son lot habituel de pluie. Même si mon côté optimiste espère plus de neige, la raison vainc. Je crois que la première impression que l’on a d’un lieu est importante mais suis certain que la dernière l’est d’autant plus. Ainsi, je déciderai de ne pas la gâcher avec quelques jours supplémentaires à marcher et planter ma tente dans la neige fondue après de tels moments. Au revoir les Lofoten, bonjour les Vesterålen ! 👋

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