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17 heures de route dans un bus mal chauffé dont les vitres sont recouvertes de givre suivies d’une heure et demie de taxi et d’une autre demie heure de moto dans une douce ambiance de congélateur. C’est ce qu’il me faut subir pour rejoindre ma famille d’accueil. Mais je vais vous épargner les détails car quelques jours seulement après mon arrivée se déroulait un évènement marquant: Tsagaan Sar, le nouvel an lunaire célébré par tous les Mongoles.

Tout juste remis de la lourde fièvre qui m’a cloué au lit et pas encore habitué au froid et aux pauses pipi – ou autres – nocturnes par un froid de yak, voici que la famille se prépare à célébrer cet évènement majeur dont le déroulement m’est encore inconnu. On fait essayer les beaux costumes aux enfants puis on vérifie que les bouteilles de vodka et les nombreux paquets de bonbons sont bien rangées dans le placard. La famille s’affaire alors à construire une pile de biscuits au beurre dont le nombre d’étages se doit d’être impair. Il est bien sûr interdit d’y toucher avant la fin(!) de Tsagaan Sar, mais il est tout de même permis de grignoter quelques friandises destinées à sa décoration; la tentation est trop grande !

L’œuvre terminée, elle est recouverte d’un tissu et ressortie dès qu’un ami ou membre de la famille vient nous rendre visite, ce qui arrive à peu près tous les jours – parfois même plusieurs fois par jour – durant la période qui suit le nouvel an lunaire. La table est alors installée. On y dépose la pile de biscuits à titre décoratif, de nombreuses friandises et on fait chauffer le buuz, sorte de ravioli à la viande de mouton que l’on cuit à la vapeur. En attendant que ce dernier soit prêt, la vodka commence à tourner. Ou plutôt le shooter de vodka, car on n’en utilise qu’un seul que le “responsable” du moment remplit et tend à chacun, commençant par le plus ancien et terminant par le plus jeune – enfants exclus bien sûr! La tradition veut alors que chacun, avant de boire son verre, trempe l’annulaire dans le liquide et, d’un petit geste sec, envoie quelques gouttes dans les airs, pour les esprits, suivies d’une autre sur le front.

Jour après jour, les invités se succèdent, tous vêtus de leur plus beau Deel, le manteau traditionnel mongol. “Amorenoooo !”[1], on se salue et se souhaite une bonne année. Les bouteilles se vident, les estomacs s’emplissent et la joie est omniprésente. Les hôtes offrent un cadeau à chaque invité. Ils se verront offrir le leur lorsqu’ils seront à leur tour invités.

Tsagaan Sar signifie littéralement Mois Blanc. C’est ainsi que, durant presque un mois, les visites se succèdent à un rythme effréné. On passe sans cesse d’hôte à invité et une fois que l’estomac commence à flancher et que les premiers “Oh, j’en peux plus de bouffer !” sont lancés, Tsagaan Sar prend fin et l’on peut enfin s’attaquer à l’énorme pile de gâteaux au beurre. Vous l’aurez deviné, il n’est pas très bon de partir en Mongolie en cette période pour suivre un régime…


  1. Transcription sonore personnelle du “Bonne annéeee!” mongol.  ↩

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