Pamir

Les Montagnes Effritées

Un vent glacial me fouette le visage. Le massif qui m’entoure est recouvert d’un fine pellicule de givre et la brume qui partageait sa couche le temps d’une nuit se dissout comme un rêve. Sa masse compacte gonfle, s’affine, puis transpercée de part en part se déchire et laisse place à un ciel de cobalt uniforme. Nous sommes en plein mois d’août et pourtant il semblerait que l’Hiver n’ait jamais vraiment quitté les hautes terres du Pamir. La végétation, rarissime, en est le témoin. Rêche, éparse, rarement plus haute qu’un caillou, elle grappille les gouttes de rosée estivale qui s’offrent à elle avant d’être à nouveau écrasée par Sa chape de neige.

Le climat lunatique a sculpté des paysages lunaires. Les pics acérés qui déchirent le ciel côtoient des lacs turquoises aux pourtours cristallisés par le sel. L’Hiver tient son royaume d’une main de fer mais Il n’est pas seul à réclamer cette terre. Le Soleil lui livre un combat acharné et redouble parfois d’intensité face à cette emprise tyrannique, consumant aussi bien le vivant que l’inanimé. L’équilibre des saisons sur le Toit du Monde est une utopie; la tempérance et la douceur, de distantes chimères. Seule la Brume est capable d’apaiser leurs ardeurs, mais seulement pour un court instant. La Montagne subit les assauts de ses prétendants et perd à chaque instant un peu plus de sa superbe dans ce tourment qui semble éternel. Oblitérés par les éléments ses sommets s’effritent. L’air saturé de poussière s’en va gonfler le rang des déserts, charognards d’un conflit à l’issue funeste. Il ne restera plus rien de la Montagne, si ce n’est les graines d’un nouveau cycle dispersées par les vents aux quatre coins de la planète.