Badakhchan

« Badakhchan, ô Badakhchan« … les clés USB branchées sur les postes radio des chauffeurs de 4×4 regorgent de chansons aux rengaines flattant la grandeur de leur région natale. Souvent nommée simplement Pamir par les occidentaux, le Gorno-Badakhchan recouvre presque la moitié de la superficie de la République du Tadjikistan, ex-république d’U.R.S.S., et se trouve encaissée entre l’Afghanistan, la Chine et le Kirghizistan. Un véritable carrefour des civilisations dont les premiers échos occidentaux remontent aux écrits de Marco Polo. Et pourtant, malgré le passage régulier de commerçants et de soldats ces six derniers siècles, le mode de vie des Pamiri à peu changé, si ce n’est pour les pistes taillées par les Russes — dont la fameuse Pamir Highway qui n’a d’autoroute que le nom — et les rares véhicules qui osent les braver.

Région montagneuse de haute altitude au climat rude et aux paysages arides, le Gorno-Badakhchan abrite une population musulmane de confession ismaélienne — une branche de l’islam chiite. Regroupés pour la plupart dans de petits villages les Pamiri sont deux groupes ethniques au modes de vie distincts mais interconnectés. Blottis dans les vallées les Tadjiks, sédentaires, habitent de petites maisons aux toits aplatis et vivent de leurs champs, de leurs arbres fruitiers ainsi que de leurs maigres troupeaux au sein d’oasis remarquablement irriguées. Les Kirghizes, quant à eux, se sont adaptés aux hauts plateaux au climat rigoureux et aux terres incultivables grâce à leur mode de vie nomade. Durant la saison « chaude » ils se séparent en de petites communautés. Habitant dans des yourtes de peaux de bêtes, admirablement aménagées et confortables, ils vivent de leurs troupeaux de yaks et d’ovins qui leurs procurent peaux, viande et fromage. Une fois l’hiver arrivé, ils descendent et se regroupent à la ville ou au village.

Mais peu à peu le voisin chinois étend son influence sur le Tadjikistan grâce à sa frontière commune avec le Gorno-Badakhchan. En rénovant les routes en et en fournissant des biens bon marché à l’ensemble de la population, la Chine ne risque-t-elle pas d’anéantir à petit feu le mode de vie traditionnel des Pamiri encore proche de la nature ?